jeudi 26 mai 2005

Ce que nous commençons doit finir 7

"A peine eut il fait un pas vers la fenêtre qu'un jeune homme d'une quinzaine d'années bondit sur le seuil, avec toute la vigueur que l'on reconnaît à cet âge. Il semblait soucieux et serein à la fois, signe de l'incompréhension de la jeunesse face aux problèmes des adultes."
Monsieur Elevêque se tourna vers moi et d'un ton sévère reprit:
"Marie qui lisait les émotions d'Alvin comme dans un livre offert, m'a dit tout récemment qu'il lui aurait été impossible de décrire les réactions de son amoureux suicidaire. Il restait immobile, regardant l'enfant s'éloigner vers son arrêt de bus, elle soupçonne encore aujourd'hui qu'un pareil évènement avait déjà blessé son coeur et ses souvenirs. Mais enfin, nous ne serons jamais le fin mot de cette histoire. Toujours est il qu'Alvin, sans même réfléchir poussa la porte entrebâillée et entra sans un mot dans cette maison. Il se dirigea dans la cuisine et s'assit à côté de la femme qui ne fut pas troublé un seul instant par cette présence étrangère. Marie ne sait rien de plus, elle n'osa jamais entrer dans cette maison et resta longtemps sagement assise sur une de ces affreuses bites qui ornent les routes indiquant avec horreur les passages cloutés. Elle se souvient seulement d’avoir vu Alvin jeter une lettre par la fenêtre et de la femme qui sortait avec précipitation pour la ramasser et la serrer contre son cœur. Alvin revint à Marie, la femme revint à sa chaise, tout redevint normal. Alors qu’il se posait accroupi auprès de sa conquête, une larme se dessina au coin de son œil. Alvin semblait perdu et fatigué comme il ne l’avait jamais été, buvant presque tous les maux du monde pour s’anéantir et ressentir la vie encore plus fort. Le temps d'une illusion, il se releva d’un bond, prit Marie par la main et les deux reprirent leur route. »

Vous comprenez vous ce qui peut passer dans la tête de cet homme là. Moi, je ne comprends plus. Ne croyez pas que je sois un mauvais homme sans conscience, même après quelques verres et qui reste sur son ignorance. Je me suis permis d’aller toquer à la porte de cette femme, juste après ces événements et c’est cet enfant qui m’a ouvert, avec son sourire niais d'adolescent. Il m’a semblé fort malin pour son âge mais lorsque j’ai demandé à voir sa mère, il m’a simplement dit qu’il avait bien fait ses devoirs, que tout était rangé pour qu’il puisse accueillir Natasha et que je ne devais pas entrer sous risque d’abîmer le parquet. Je me suis senti si bête que je suis parti en m’excusant. Mais pour en revenir à Alvin et Marie, c’est l’étape suivant qui fut le sommet de l’étrange et de la bizarrerie. Je vous l’ai dit que vous n’alliez pas vous ennuyer. Même si je n’ai pas de grands talents de conteurs, on s’y accroche vite à cette histoire. Les deux continuaient leur chemin main dans la main, il était midi passé très largement selon Marie. Quand un hurlement attira leur attention. Un homme arrivait en courant au milieu de la route avec son pyjama trop usé pour en deviner la couleur, et en criant : A l’aide ma femme accouche. A l’aide ! Je n’ai pas à vous dire que l’âme chevaleresque de notre héros l’a poussé à venir en aide à ce pauvre mais heureux homme.

ACTE III
C’est en arrivant dans la cuisine meublée que la folie commença. La femme lançait tout ce qui pouvait lui tomber sous les mains, un véritable tsunami de porcelaine de Limoges vint s’écraser sur la porte à quelques centimètres à peine de Marie effarée. L’homme n’en pouvait plus d’insulter sa femme qui cassait tous les services aux armoiries de la famille oubliant presque que la pauvrette se tordait de douleur sur la table. Alvin remarqua quasi immédiatement le ventre anormalement gonflé mais il n'y prêta pas plus d'attention et s'exclama:
« Madame, il vous faut rester calme, je n’ai aucune base médicale mais ma copine est boulangère et c’est un bon point en notre faveur. N’oubliez pas que nous sommes ici pour votre bien et que votre emportement ne fait qu’aggraver l’état d’insalubrité de votre carrelage. Notez également que si je dois être l’accoucheur, il serait agréable pour vous et pour moi, que je puisse m’approcher de la zone ouverte, enfin vous m’avez compris. Marie attrape de l’eau chaude et des serviettes. Monsieur faites moi rougir un couteau que vous aurez préalablement nettoyé avec un alcool à 90°C. Je ne puis être à la tâche et aux tâches alors dégagez moi cette table pendant que je me désinfecte les mains. Madame, si vous aviez du choisir le jour de la naissance, vous n’auriez pas pu mieux tomber. Nous allons donner la vie, j’en suis tout retourné. »

Le mari s’affairait, Marie s’affairait aussi, toute la maison était active. Tout était prêt. Dans un moment de lucidité malsaine Alvin prît le temps de regarder à l’intérieur. D’une discussion qu’il avait eut avec Marie, elle m’apprît qu’Alvin rêvait à découvrir l’état de l’enfant juste avant sa sortie. Il s’imaginait très relax, jouant avec les tubes, il voyait les mathématiciens comme des fous qui se cassaient la tête à démêler les intestins, les futurs militaires très propres sur eux… Voyez bien la situation, la femme allongée, si surprise se retint de brailler pendant plus d’une minute, regardant Alvin scruter son vagin et son utérus. Et c’est alors que le bébé sortit sa tête et déclara dans un français digne des plus beaux textes baudelairiens : « Je ne sortirai pas tant que cette folle n’aura pas repeint la chambre où je dois dormir en bleu. Je suis un garçon, cela fait déjà plus de quatre mois qu’ils le savent, alors pourquoi tout peindre en rose. Il me prenne pour qui. Et n’essayez pas de me faire sortir de force ou je la mange de l’intérieur. »

vendredi 20 mai 2005

Ce que nous commençons doit finir 6

"Ne trouves tu pas que c'est un beau jour pour s'en aller."
Marie restait songeuse à ces mots et tira sur la chemise d'Alvin qui s'arrêta et se tourna vers elle. A peine eut il fait un pas en avant, que leurs corps se retrouvaient l'un contre l'autre, Marie regardait fixement celui qu'elle couvait des yeux depuis des mois à chacune de ses visites, derrière son comptoir et qui était enfin à elle. L'idée même de le perdre aussi vite la terrifiait. Une larme cristalline glissa le long de sa joue. Alvin vint l'essuyer du bout des doigts, qu'il glissa ensuite dans son cou. Ces instants là restent comme des photographies dans nos mémoires, des instants de bonheur partagés intemporel et inoubliable."

Lucien Elevêque finissait à peine sa phrase, que je repensais au visage de la boulangère lorsque j'étais passé la voir. Quand on connaît les évènements, on se dit souvent que c'était évident. En voyant les yeux pétillants de vie et de tristesse de Marie, j'aurai du me persuader, ne pas douter. J'étais resté avec une vague hypothèse que cette simple boulangère avait peut être désiré Alvin. Je suis resté sourd à ses appels. J'aurai du voir que son émotion cachait sans doute une réelle envie de me parler, de me crier tout ce qu'elle garde sur le coeur depuis ce jour.C'est dans des cas comme celui ci qu'on sent monter la honte, les regrets ou les remords d'être un ignorant, un aveugle et un sourd. Je me sentis mal, profondément mal.
Lucien ne fit pas attention à mon malaise et après s'être rempli la main d'olives fourrées aux amandes, reprit son récit.

"Ses lèvres allaient déposer le plus doux des baisers lorsque les pleurs d'une femme vint attirer leur attention. Ils détournèrent simultanément la tête vers une petite fenêtre de cuisine où ils pouvaient voir la mince silhouette d'une femme assise à la table, une lettre à la main, qui, la voix chancelante, disait à son fils « C’est… ton père… ». Les phrases, même les plus anodines, lorsqu'elles sont dites avec sentiment, rendent nos esprits ouverts aux émotions. Nos deux héros s'étaient sentis touchés par une profonde tristesse, une amère mélancolie qui noie et fait oublier en un instant, le plus merveilleux des évènements. Seules nos vies nous appartiennent, les histoires des autres croisent parfois les notre. Alvin, pour sa dernière journée, eut envie de forcer le destin. Il s'avança vers la fenêtre pour en savoir plus..."

mercredi 18 mai 2005

Ce que nous commençons doit finir 5

La première gorgée de ce deuxième verre descendait avec une facilité que je ne saurai décrire. Mes papilles gustatives ne semblaient plus à même de distinguer le mauvais goût de la liqueur. Le sourire satisfait et complice de Lucien laissait à penser que je n'étais pas seul à m'abandonner aux plaisirs innocents de l'alcool. Il se remua lourdement sur son fauteuil et reprit son récit.

"Avant de revenir à Alvin et Marie, je voudrais vous brosser très grossièrement le portrait de monsieur Formin David, l'agent de la police nationale qui s'étouffait de tous ses mots en tentant de garder la foule à distance du corps. Je ne veux pas que vous ayez l'impression que tous les êtres étranges se sont rassemblés dans les murs de Bordeaux pour participer à l'histoire d'Alvin mais il faut avouer que pour être un cas à part, cet homme là est un cas à part. Un honnête homme d'une trentaine d'années à peine entamée, passant la majeure partie de son temps au carrefour pour séduire toutes les demoiselles en jupe qui font la fierté de notre cité viticole. Un bien beau jeune homme que voilà, chacune aurait voulu l'approcher pour éprouver ses qualités physiques mais d'aucune ne s'était arrêté à ce qu'il est vraiment. Il était doué d'une psychologie de la vie indiscutablement intéressante, aussi bien crampée que son arme était propre et luisante au soleil et d'une maturité étonnante, signe de quelques souffrances dans une jeunesse toujours trop courte. Mais ces qualités, pourtant si vitales, ne sont pas, ce que l'on appelle, des avantages dans le métier qu'il fait. Alors, il restait à son carrefour à faire ce que tout bon policier fait le mieux, rester debout et attendre en n'oubliant pas de bomber le torse pour montrer de quel côté est la loi. Quelle plus belle image qu'un pigeon bleu qui roucoule au coin d'une rue.
Au fond de lui c'est un homme bon mais ce jour là, soit dit sans vulgarité, fallait pas le chercher. Un passant, trop curieux de savoir ce qui traînait dans les poches de la vieille, reçut sans accusé de réception un coup de pied bien tendu dans des parties qui donne à la voix un timbre clair et aigu suivi d'un coup de balayette manchette direct derrière la tête. Tous les spectateurs ont même applaudis la performance, tant l'enchaînement était particulièrement réussi. Le malheureux passant ne trouvant pas le courage d'applaudir, énerva encore un peu plus notre agent, qui le termina avec son célèbre coup de tête pivot face arrière face avant.
Après cela, tout le monde fut beaucoup plus calme, la veuve Anielle qui revenait de la boulangerie m'a dit que les enfants avaient le regard lumineux de ceux qui sont charmés, que les femmes se sentaient frémir de s'ancrer à un corps d'athlète assermenté et que les hommes s'en retournaient peu à peu boire une bière au bar d'en face. Le vacarme laissait place au calme dans la rue et notre petit matricule 614.AZ43 prit son temps pour délimiter le périmètre de sécurité tout en gardant un oeil sur la porte de l'immeuble pour éviter la sortie de deux présumés coupable.

Alvin et Marie, qui avaient été rejoint par Stéphane, buvaient leurs cafés en caquetant sur les problèmes de la vie, la diminution des cours boursiers, l'enlèvement des journalistes en zone de conflit, l'ascension des prêcheurs rebouteux africains qui sèment les âmes perdues sur tout le continent. Les discussions allaient bon train. Ils en étaient presque à oublier le corps encore frémissant de la vieille cinq étage plus bas. Vint le moment des séparations, Alvin serra fort la main de Stéphane en lui souhaitant de ne pas trop s'embêter à inventer des explications farfelues pour Eloise, qu'elle finirait bien par comprendre et qu'il était même prés à lui écrire un mot d'excuse pour signaler clairement le mauvais caractère de la mégère. Il répétait que l'honnêteté est la chose la plus importante dans la vie à deux. A ce mot, Marie se raccrocha à son bras et ils s'embrassèrent comme pour se donner raison.
Alvin et Marie descendirent les cinq étages sans encombres et se retrouvèrent dans la rue face à notre agent debout, la vieille allongé et le passant évanoui. Alvin s'adressa à 614.AZ43.

"Je tiens à vous signaler que ce qui est arrivé n'est en aucun cas notre faute, il vous faut vous en prendre à qui de droit. Cette vieille dame s'est sciemment défenestrée pour faire du tort à son gendre. Aucune poursuite ne doit être mise en route contre ce charmant et intéressant Stéphane Bouchittier. De plus, je suis sûr que vous ne voudriez pas priver la fille de cette dame de son mari. Vous le savez comme moi, les temps sont durs et personne ne peut survivre seul s'il n'est pas aimé."
Marie le regardait avec passion.
"Et bien, je ne sais pas si cela pourra être aussi simple, mais faute avouée à moitié pardonné, de plus les récents évènements m'ont calmés les nerfs et je me sens guilleret. J'ai bien envi de vous faire une fleur."

A ces mots la vieille mégère se releva d'un bon.

"Non mais vous plaisantez, ces gens ont voulu m'assassiner et vous les laisseriez partir. C'est impensable Monsieur l'agent. Non, mais regardez vous, vous alliez les laisser partir librement. Ce sont des mécréants, des goujats. Saltimbanques comme mon fils. Oh mon dieu, je me sens faiblir. Je me sens si vulnérable. Vous savez, les personnes de mon âge ne sont pas à prendre en pitié. J'ai eu tout le loisir de me plonger dans les livres de physique de mon gendre et j'ai pu apprendre la position aérienne de sécurité qui m'a sauvé la vie. Oui, la position aérienne de sécurité et ne riez pas. Tout récemment, il a été prouvé qu'en se positionnant de telle façon une fine pellicule d'air se forme à la surface du corps et lui permet de rebondir, évitant ainsi un heurt qui aurait pu m'être mortel. Ces derniers temps devant les menaces répétées de mon pitoyable gendre, je m'étais préparé à son assaut et je ne sortais plus sans quelques poches de sang de porc subtilement dissimulées sous mon soutien gorge. Vous n'y avez vu que du feu. Je n'ai eu qu'à attendre patiemment que vous les mettiez tous en prison et j'aurais pu récupérer l'appartement pour enfin vivre seule avec ma fille comme avant que mes deux plus grands partent de la maison et que mon mari ne me quitte. Mon plan était parfait. Mais là, déception, je vais vous flanquer un procès pour proxénétisme et indélicatesse. Vous allez entendre parler de moi. Ha ha ça oui!"

David tourna la tête vers Alvin et dans un divin sourire dit qu'il comprenait. Il tira son arme de service, elle rayonnait au soleil, la porta sur la tempe gauche de la vieille et appuya sans effort. La scène fut horrible, un morceau noirâtre de cervelle vint s'écraser sur le lampadaire et le corps sans vie tomba lourdement sur le trottoir déjà tout couvert de sang. Là, une jeune femme encore sous le charme de l'agent retrouva sa jupe toute tachée, ici, un berceau était recouvert de la perruque ensanglantée de la gueularde...
"Les détentes sont très souples. J'aime beaucoup les nouveaux modèles. Je regrette simplement le bruit, mais on ne peut avoir le beurre et l'argent du beurre. Allez, circulez. Il n'y a plus rien à voir!"

Nos deux tourtereaux, dans un dernier geste d'au revoir, reprirent leur route vers la gare. Vous reprendrez bien un verre, non?
"Oh, volontiers."

samedi 14 mai 2005

Ce que nous commençons doit finir 4

"Oh, je suis vraiment blasé, vous ne vous rendez pas compte du malheur que c'est d'avoir une belle mère aussi acariâtre. Enfin, je me dis, heureusement que personne n'a été blessé. Pas que ça m'aurait dérangé mais ça vous aurait sans doute mis mal à l'aise et notre rencontre n'aurait pas été aussi sympathique. Mais je vous en prie asseyez vous! Du sucre?"
Devant cette étrange Boutillier, comme Marie aime à le nommer aujourd'hui, Alvin ne put s'empêcher de sourire. L'homme était plus embarrassé de n'avoir pas pu se débarrasser de ce vase qui lui revenait en morceaux, que d'avoir faillit blesser un passant. Il se mit à rire aux éclats en repensant à la scène et c'est alors que la porte, de ce qui semblait être la chambre, s'ouvrit pour laisser apparaître le masque noir et inquiétant de la belle mère qui s'était installée par force et convictions chez notre malheureux Stéphane.

"Vous en faîtes un tapage, de mon temps on savait respecter le repos des vieilles dames! Tiens, vous êtes un bien joli jeune homme. Stéphane, tu devrais essayer de t'arranger un peu comme le monsieur. Il est présentable lui. Et tu vois que quand on est présentable, tout nous réussit. Tu pourrais trouver un travail pour subvenir aux besoins de ma fille. Tu comprends je ne veux pas que tu puisses être une raison d'inquiétude pour elle. Elle est si douce. Tu ne la mérites pas. D'ailleurs, je te trouve bien pâle c'est jour-ci! Tu ne vas pas nous couver une grippe et faire ton feignant. Tu sais qu'elle se donne du mal pour toi. Tu pourrais au moins, t'occuper d'une vieille dame, qui plus est, la mère de ta femme, aussi bien qu'elle s'occupe de toi. Enfin, moi je te dis ça, c'est pour ton bien. Je ne voudrais pas que nous puissions en venir aux mains."

"Ta gueule, ta gueule, ta gueule, nom de Dieu de merde. Tu me saoules. Si t'es réveillé, va donc chercher le sucre pour nos invités." Stéphane hurlait, tel un fou furieux. Les bornes étaient franchies mais d'un geste calme, il réussit à remplir trois tasses de café avec une pointe de lait.

"Qu'est ce qu'il te prend" reprit la mégère. "Enfin, Stéphane, tu ne te sens plus parce que des gens de bonnes familles viennent te rendre visite. C'est ça. Il Faut te calmer mon petit. Je ne voudrais pas que ma fille arrive maintenant et te trouves dans cet état de colère. D'un autre côté, elle verrait enfin ta vraie nature. Et je ne dis pas que ce serait une bonne chose mais ça te ferait les pieds. Non, mais tu ne crois tout de même pas que je vais laisser un saltimbanque tel que toi, être le père de mes petits enfants. D'ailleurs, il faudrait vous dépêcher tous les deux, Eloise est mûre." Elle se tourna vers Marie. "Oh, vous savez, moi, j'ai eu mes deux petits très jeunes. Bon d'accord, pour Eloise, ma fille, j'ai du... enfin, vous me comprenez. Je ne me sentais pas de faire un troisième enfant après la mort de mon premier mari. Et pourtant, la vie est pleine de surprises. Mon défunt mari juste avant de partir, m'avait laissé quelques graines reproductrices dans un erlenmayer au congélateur. Oh, Stéphane, je déplore que tu puisses te moquer des origines de ta femme, mais c'est l'amour qui m'a poussé à faire ça. Je voulais un dernier témoignage de mon époux. Et Eloise est une femme accomplie. Enfin, je voud..."

"Si je peux me permettre, je voudrais juste savoir si tu peux te taire ou tu passes par la fenêtre."

Et n'écoutant que sa voix intérieure, prit la vieille dame par le bras et la propulsa en direction de la fenêtre. La première tentative fut un échec puisque la pauvre s'écrasa tout entière contre le double vitrage. Stéphane ouvrit prestement la fenêtre, prit sa belle mère et la poussa avec un calme et une précision digne des plus grands lanceurs de belle mère mondiaux. J'ai eu le privilège de visiter l'appartement et je dois avouer que la vieille est partie en passant par une très belle fenêtre, les finitions sont superbes.

Marie, Alvin et Stéphane passèrent leurs têtes par la fenêtre pour voir ou vérifier que la vieille était bien descendue. Ca me fait rire quand j'y pense, je vois bien cette veille folle tenter de défier les lois de la gravité. halala! Les gens tentent toujours de prouver que la science à tort, mais en vain! Oui donc, j'en étais où. Stéphane se retournant, dit à Alvin:
"Alors, là pas d'erreur, nous allons enfin pouvoir boire notre café dans le calme. Ca m'embête vraiment d'en arriver à de telles extrémités, elle veut toujours faire son intéressante. Voilà ce qui arrive. Bon, ne bougez pas, je vais chercher le sucre. Blanc ou roux? Non, je vais prendre tout ce que j'ai."
Le temps que Stéphane aille à la cuisine, nos deux héros se repenchaient à la fenêtre. Déjà en bas, les badauds s'agglutinaient. Un agent de police, qui tenait le carrefour, était déjà sur les lieux et levant la tête, surprit Marie et Alvin.
"Ne bougez plus. Vous êtes accusé de meurtre."
Le petit bonhomme bleu gesticulait dans tous les sens et s'égosillait pour se faire entendre.

Alvin recula en empoignant Marie et lui dit :
" Tu sais Marie, je ne sais pas trop quoi faire dans ce genre de situation mais je tiens à te dire que l'inquiétude et le stress te rendent encore plus belle. Descendons mais avant j'ai bien besoin d'un café."

Monsieur Elevêque, sur cette dernière phrase, marqua une pause pour me laisser le temps de me resservir un petit verre de digestif.

vendredi 13 mai 2005

Ce que nous commençons doit finir 3

"Oh, ça oui. Je ne veux pas lui manquer de respect mais, je peux avouer sans peine, que grâce à lui, j'ai une histoire formidable à vous raconter.

Ce matin là, il s'était habillé sans extravagance, un jean usé et une chemise claire largement ouverte au col laissant visible son torse imberbe et son pendentif de St Christophe, qu'il avait à son cou depuis sa confirmation. Il rayonnait. Sa joie de mourir était perceptible voire même contagieuse et je veux dire ici que s'il ne m'avait pas demandé de rester en vie, je l'aurais suivi sans peine.
C'est donc à 9h27 précise que j'ai perdu sa désinvolte nature au coin de la rue Thiers. Il allait voir la mort d'un pas décidé, sans peur ni remord avec son sourire habituel.
Ne vous formalisez pas, tout ce que je sais de cette histoire m'a été raconté ensuite par les dernières personnes à avoir croisé Alvin, tout au long de ses dernières heures.
Qui voudrait donner son âme à la faucheuse le ventre vide? Partir en voyage avec la faim au corps est aussi absurde que de se marier à Dieu le temps d'une vie. Alvin s'est donc arrêté à la boulangerie pour y prendre sa baguette habituelle et une fois n'est pas coutume, un de ces énormes éclairs au chocolat qui se pavanaient dans la vitrine. A ce propos, n'oubliez pas de passer en acheter un à l'occasion, vous serez à genou. Les sensations procurées vous feront aimer le travail artisanal et oublier toutes usines à pain, comme je les appelle, qui ne veulent rien d'autres qu'à nous empoisonner. Enfin... La belle Marie, rayonnante comme à son habitude derrière son comptoir, mangeait des yeux notre condamné volontaire.
Je ne saurais pas vous expliquer pourquoi et comment les choses se font, parfois, vous vous sentez proches des gens et vous sautez sur des occasions que vous auriez laissé passer les autres jours. Je connaissais deux petits oiseaux qui se sont unis juste parce que lors d'une danse, la jeune femme avait dit d'une voix douce qu'elle vivait seule avec son chat. L'homme, ayant pris cette phrase pour une invitation, s'était, sans réfléchir, laissé glisser sur ses lèvres. La vie réserve certaines surprises. Mais pour en revenir à Marie, ce jour là, sans savoir pourquoi, elle posa sa main sur celle d'Alvin qui venait arracher le quignon de la baguette encore craquante. Leurs yeux, qu'est ce que j'aurais aimé voir leurs yeux. Lucette, la veuve Anielle, gérante de la quincaillerie d'en face, témoin de la scène, m'a dit tout récemment, que cela avait été un instant de grâce. Les autres clients médusés avaient regardé et écouté muets, cette scène sensuelle et pourtant si commune où une femme prend le temps de montrer en une caresse, toute la profondeur de ses sentiments.
Alvin, avait retiré sa main après quelques secondes, et lui, qui était pourtant si timide avec les femmes, fit le tour du comptoir et embrassa avec la plus grande délicatesse la jeune Marie qui ne bougeait plus. Lui glissa quelques mots à l'oreille et s'en alla dans un assourdissant silence imposé par le moment.
La veuve Anielle, curieuse comme pas deux, avait sorti son cou fripé par la fenêtre pour voir Alvin s'éloigner sans se retourner.
Marie, enleva son tablier et sortit pour le rattraper à la grande stupeur de tous les clients. A peine fut elle sortie que les discussions allèrent bon train. Il est amusant de voir que dans ces cas là, les premières phrases qui viennent sont purement égoïstes du genre : Mais qui va nous servir maintenant? Non mais, elle ne peut pas faire ses folies en dehors des heures de travail ?... puis la curiosité reprend le dessus : Mais qu'est ce qu'il lui a dit? Vous ne les trouvez pas mignons? Je me demande si cela ne fait pas un moment qu'ils se cherchent ces deux la ?... Chacun y va de ses commentaires qui s'enchaînent et se bousculent. Enfin, nous ne sommes pas là pour critiquer la nature humane, je ne suis pas mieux que toutes ces commères.

ACTE II
Marie rattrapa Alvin qui continuait sa route vers la gare. Elle m'a dit qu'avant d'arriver au niveau de l'avenue de Bouranville, elle avait regardé sa montre qui affichait 9h57. Elle s'en souvient car elle fut surprise d'entendre les cloches sonnaient avec un peu d'avance. Elle marchait agripper au bras d'Alvin qui lui expliquait qu'il ne pourrait pas lui offrir plus de trois heures de complicité et que sa décision était non négociable. Quand tout à coup, Alvin leva les yeux et poussa Marie qui vint se cogner à la porte d'un immeuble. Un pot de fleur s'écrasa à l'emplacement même où était la jeune femme. Alvin se précipita sur Marie pour la rassurer. Sans doute qu'Alvin eut l'impression que la mort l'avait prise en grippe et qu'elle allait s'acharner ou peut être qu'Alvin pensa que c'était vraiment pas de bol ou peut être même qu'Alvin ne pensa à rien. Toujours est il qu'en levant la tête à nouveau, il s'étonna de ne voir aucun balcon d'où le pot aurait pu tomber. Vous me croirez ou non, mais l'arme du non crime avait était lâchée par un certain Stéphane Bouchettier qui voulait se débarrasser de cette horreur offerte la veille par sa belle mère qu'il déteste. C'est fou ce qu'une belle mère peut nous rendre fou par moment. Il ne faut vraiment pas être bien pour lancer, par sa fenêtre, un pot du cinquième étage sans prendre la précaution de récupérer la carte de bons voeux signés de la main de la belle mère en question. C'est à cause de cette carte dénonciatrice, qu'Alvin pu trouver la sonnette qui emmena notre gentil couple à visiter l'appartement de malchanceux à qui il manque un pot. Les premières paroles de Stéphane furent :

"Oh ben merde! Même quand j'essaie de m'en débarrasser, elle me retrouve pour me faire chier. Je m'excuse. Vous voulez un café?